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LES FRONTIÈRES NOMADES - 2016

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Nomades
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Grand pays en mouvement : paysages et limites

 

Comme l’explique M. Collot en 1986, le paysage est une interface entre espace objectif et espace subjectif : sa perception met en jeu à la fois la reconnaissance des propriétés objectives et la projection de significations subjectives.

 

Mais il est aussi un lieu d’échange entre espace personnel et espace collectif ; l’individu se sent chez lui dans le paysage alors que celui-ci « appartient » à tout le monde. A la fois lieu public et privé le paysage voit sa signification modelée tant par la mémoire collective que par l’initiative individuelle.

 

Le sujet des interfaces, des portes et des limites remet souvent en question le mode de vie et de travail occidental ainsi que le vocabulaire associé à ces notions.

 

Tout d’abord le paysage est pour moi a priori et inconsciemment un espace vaste et connecté. L’existence des grands domaines ainsi que les grands jardins et parcs tels que Fiesole (milieu XVème) ou Vaux-le-Vicomte et Schönbrunn (milieu du XVIIème) me rappellent que les grands paysages construits sont souvent fermés et clos.

 

L’étymologie indo-européenne même du mot jardin, Hortum (richesses et jardin) et Gardinus (lieu entouré d’enceinte), qui tranche entre l’intérieur habité et à protéger de l’extérieur dont il faut se défendre (du gibier par exemple)  attestent que ces sujets font par essence partie de l’origine même du travail de paysagiste et de jardinier.

 

En remontant aussi loin que nous pouvons, les jardins d’agréments et utilitaires égyptiens (vin, fruits, légumes, etc.) (1300 avt J.C) ainsi que les jardins de repos persans (4000 avt J.C) réinterprètent également les notions de paradis et de lieu clos.

 

Le stéréotype de paysage vaste insiste tout de même la pensée individuelle et collective. Il convoque par la même occasion les nomades qui pourraient y habiter.

Ce qui intéresse là n’est pas le mode de vie des nomades en tant que tel mais plutôt le lien et le dialogue que peuvent avoir de telles civilisations avec le paysage qui les abrite et qu’elles habitent méthodiquement et précieusement.

 

Les premiers nomades, qui vivaient entre le 10ème et le 7ème avant notre ère, sont tout d’abord des pasteurs dont les déplacements sont lents et d’ampleur limitée, de pâturages en pâturages.

 

Leurs déplacements répondent aux exigences du milieu dans lequel ils vivent (climat, végétation, gibier, etc.) et aux nécessités de l’élevage. Ils sont piétons. Ils ont donc l’obligation de pratiquer, de parcourir et de connaître sur le temps long leur milieu.

 

Et pourtant, l’espace des nomades n’est pas un espace sans limite. Bien que cet espace vécu ne connaisse ni frontière ni barrière, les nomades érigent de véritables murs mentaux. Ainsi, ils circonscrivent leur monde et leur paysage symboliquement et par la pensée.

 

Il suffit d’une figure géographique forte (colline, fleuve, montagne, etc.) ou d’un simple signe gravé sur une pierre pour délimiter un territoire à ne pas franchir car habité par une autre tribu.

 

Réfléchir au vaste paysage et aux nomades me fait comprendre que les frontières, limites, portes et passages sont des notions universelles. En paysage, ces sujets sont interrogés par la conception matérielle et symbolique du projet.

 

Ainsi, la limite peut à la fois être une ligne svelte ou une frange épaisse, elle peut être barrière ou zone d’échange perméable. La porte peut également indiquer, accueillir ou repousser, etc.

Le vocabulaire des clôtures et des murets, pour des projets résidentiels et industriels, permet de qualifier et de marquer fortement la limite public/privé ainsi que les limites.

 

Le vocabulaire des clôtures et des murets permet également et a contrario en fonction des projets d’effacer les limites et les frontières.

 

La clôture, discrète et fine, permet de conserver la transparence dans un cœur d’îlot séparé en deux et dont les masses végétales font le raccord.

 

Ensuite, après avoir trop utilisé les végétaux pour sur-ligner et clore les propriétés des jardins pavillonnaires, le vivant permet aujourd'hui de flouter et brouiller les limites.

 

L’eau est également une figure physique et symbolique pour « jouer » avec les limites. Elle permet de souligner élégamment le partage d’un espace tout en évitant d’utiliser les dispositifs construits connotés de la serrurerie et de la maçonnerie.

 

Enfin, signaler et qualifier les entrées et les accès sont un autre sujet fondamental dans grand nombre de projets paysagers. Ils permettent de rendre lisible et compréhensible la pratique d’un site, de hiérarchiser les fonctions, de faciliter les circulations, et de fabriquer un parcours.

 

Rationaliser et mutualiser les fonctions au sein de dispositifs techniques et paysagers aboutis permet de qualifier un espace.

 

Pour ces raisons il est constamment utile de transformer les limites de sites en frange paysagères fonctionnelles et esthétiques. Que ce soit pour marquer ou pour effacer une limite, brouiller les pistes et les perceptions permet de caractériser les plans de ces franges à l’aide d’épaisseurs végétales mutualisées avec des noues et des milieux humides (type saut de loup).

 

Les clôtures et les murets conservent alors leur rôle défensif et anti-intrusions sans devenir omniprésent. Ils revêtent également un caractère esthétique car ils participent à la qualification et à l’intégration des plans dans la composition générale.

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